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Risques naturels, catastrophes d'État

Publié le 2018-10-12 | Le Nouvelliste


Pendant cette saison cyclonique qui a commencé depuis le 1er juin, nous avons déjà connu plusieurs ondes tropicales. D'autres phénomènes atmosphériques sont encore à venir. Malheureusement, ces phénomènes apportent inondations, glissements de terrain, éboulements et les conséquences que l'on connaît. Soyons clairs là-dessus: l'État n'est pas responsable de l'apparition des averses, des cyclones ou des séismes. Compte tenu de la situation géographique d'Haïti, nous attendons que l'État prenne des dispositions claires pour la réduction de la vulnérabilité de la population.


En dépit de toutes les catastrophes qu'on a connues, les gouvernements qui se sont succédé depuis plusieurs décennies n'ont pas montré d'intérêt particulier pour la Gestion des risques et des désastres (GRD). Par exemple, lors de leur énoncé de politique générale, les derniers Premiers ministres nommés tenaient très peu de mots sur la GRD au pays de tous les risques. La majorité des parlementaires leur demandent éanmoins des routes, des ponts, etc. Que deviendront ces routes sans un programme d'aménagement des bassins versants? Finalement, plus ça change, plus c’est la même chose: les parlementaires demandent juste des choses visibles pour être réélus. Les gouvernements, une fois en place, ne font qu’appliquer cette même politique de « fè wè » comme avec la fameuse Caravane du changement. Ce programme qui ne laisse personne indifférent traduit peut-être la volonté du chef de l'État de voir des changements réels et rapides dans le pays. C'est bien. Mais je suis sûr que notre président rêve aussi de changements durables. Pour cela, un plan consensuel de développement du pays est incontournable. De ce plan découleraient des programmes pluriannuels mis en œuvre par les institutions concernées.


Après le séisme du 12 janvier 2010, l'on croyait que c'était l'occasion d'aménager le territoire. Erreur. Le laxisme de l'État concernant les constructions continue. À preuve, plusieurs maisons détruites ou endommagées, 17 morts et plusieurs dizaines de blessés le 6 octobre 2018 lors d’un séisme modéré de magnitude 5.9 sur l'echelle de Richeter dans le Nord-Ouest du pays. C’était la panique totale. Les gens sont sortis de leurs maisons alors qu’il pleuvait.


D’après une étude publiée par les professeurs Nicholas Ambraseys et Roger Bilham en 2011, Haïti fait partie des pays où le niveau de corruption est directement proportionnel à l’effet des risques naturels. Un exemple : simple, si les permis de construire sont délivrés sans aucune expertise, on est bien d’accord que l’effet d’un séisme ou d’un cyclone peut s’avérer catastrophique. Qui n’a jamais entendu parler de permis de construire délivrés dans les zones à risques contre des pots-de-vin? Cette corruption nous tue!


Cette amplification du risque se traduit aussi par la négligence de l’État de formaliser certaines structures et opérations liées à la GRD. Comment imaginer que le Secrétariat permanent de gestion des risques et des désastres (SPGRD) n’ait pas de statut légal? Créé en 2001, le SPGRD comprend les représentants de la plupart des ministères et de quelques autres institutions clés comme la Croix-Rouge haïtienne. Cette entité de la direction de la Protection civile transmet les orientations et décisions premières du Conseil national de la gestion des risques et des désastres. Elle s’occupe également de la coordination et la mise en œuvre du Plan national de gestion des risques et des désastres. Vous serez d’accord avec moi que le SPGRD a de lourdes responsabilités.

Pourtant, cette structure opère en toute « illégalité » sur le territoire national. Aucun décret n’a consacré sa création. Les remontées d’informations aux ministères par leurs représentants peuvent ne pas être prises en compte, car l’organe qui les véhicule est « illégal ». Le SPGRD devrait avoir le pouvoir de déplacer des particuliers des zones à risques avant un phénomène naturel. Ces opérations sont à la base difficiles, mais elles le sont beaucoup plus quand elles sont orchestrées par des institutions légalement et administrativement faibles. Nous avons souvent tendance à expliquer notre absence de résultats par le manque de moyens financiers. Ne nous trompons pas, ces moyens financiers partiront en fumée si les institutions sont faibles ou inexistantes. Que l’État cesse de créer cette vulnérabilité institutionnelle. Légaliser le SPGRD ne prendra qu’une petite volonté politique!


Il en est de même des risques anthropiques. Par exemple, le risque d’accident de la route. Pas une semaine sans qu’on entende parler d’un accident. On peut vite penser au mauvais état des chaussées qui est souvent une conséquence de la dégradation environnementale. Mais on déplore les conditions de transport pour le moins chaotique. On déplore aussi des dos d’âne le long des routes nationales construits sans aucune logique par la population et sans aucune réaction de l’État. Ces dos d’âne sont comme des pièges pour les conducteurs.


Certains accidents se produisent toujours au même endroit. C’est le cas du morne Tapion, une colline de seulement 420 m d’altitude (mais la route passe à moins de 250 m d’altitude). Ne vous posez-vous pas la question: pourquoi c’est toujours là? Pourquoi pas une réévaluation technique de ce tronçon de route? Il doit y avoir une raison technique ou scientifique. Ils sont nombreux à attribuer à ces accidents une explication mystique. Et si c’était l’État qui devenait ce diable en ne prenant pas ses responsabilités?


Somme toute, il y aura toujours des risques naturels ou autres, mais c’est à l’État haïtien de renforcer sa capacité de réponse pour atténuer leurs effets. Ce renforcement doit passer d’abord par la bonne volonté de nos dirigeants à vraiment servir la population. Cela passe aussi par la meilleure définition de nos priorités et la gestion rationnelle et transparente de nos maigres ressources. L’affaire du fonds PetroCaribe est une opportunité pour les dirigeants actuels de donner le signal sur leur volonté de changement en facilitant un procès équitable. Il y aura des innocents, il y aura aussi des coupables. 3.8 milliards de dollars ne peuvent pas disparaître par l’opération du Saint-Esprit.



Newdeskarl Saint Fleur

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