Quand les arbres sont remplacés par du béton
- newdeskarl
- 22 janv. 2020
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 25 mai 2020
Gestion des Risques et des Désastres
Publié le 2018-12-19 | Le Nouvelliste
Pour parler en bien d’Haïti, il faut d’abord apprendre à conjuguer les verbes au passé. Se conjugue au passé tout ce qui est essentiel à la vie sociale ou à la vie tout court. Du cinéma – au passé. Des rues propres – au passé. Des dirigeants responsables – au passé. Même la nature nous a été enlevée. À quand remonte une pluie sans une pile de débris et de sédiments dans les rues de Port-au-Prince ? C’est la même scène dans les autres grandes villes: Cap-Haïtien, Port-de-Paix, Gonaïves…. Bref, nos jeunes n’ont quasiment aucun souvenir réjouissant de leur pays.
Il fut un temps, dégoûtés par la saleté de leur ville, les jeunes Port-au-Princiens rêvaient de visiter le Cap-Haïtien ou de s’y installer. C’était tellement beau et propre. C’était l’eldorado haïtien. Aujourd’hui, quelle tristesse de voir que cette beauté connaît le même sort que sa sœur. Ce qui est arrivé au Cap-Haïtien, c’est triste mais logique. Une ville, si belle soit-elle, si l'on n’en prend pas soin, elle se détériorera. Sans aucune politique d’aménagement du territoire, ce qui arrivait à Port-au-Prince arrive aujourd'hui au Cap-Haïtien. Les mêmes causes produisent les mêmes effets.

Comprendre pour mieux agir
Dans la nature, tout est bien fait. Tout fait partie d’un système – du plus petit au plus grand objet. Un changement ou une perturbation d’un élément du système perturbe tout le système. Dans tous les domaines, un système est un ensemble d’éléments en constante interaction. Dans le milieu naturel, on parle d’écosystème. C’est une portion de l’espace relativement homogène. L’écosystème est grosso modo composé d’un habitat et d'êtres vivants. Autrement dit, dès qu’on parle d’écosystème, il faut voir un milieu (habitat) et des espèces qui y vivent. Chaque écosystème fait partie d’un écosystème plus grand. Une forêt est un écosystème et chaque arbre en est un. Car l’arbre, bien que vivant, est aussi un milieu qui abrite plusieurs populations: des oiseaux sur les branches, des insectes sur les feuilles, sous les écorces et sous les racines. On comprend que toute intervention incontrôlée de l’homme peut provoquer des dégâts considérables.
En plus d’être un habitat, l’arbre joue un rôle de choix dans le fonctionnement du cycle de l’eau. L’arbre favorise l’infiltration plutôt que le ruissellement superficiel. Quand il pleut, l’arbre nous défend de trois façons extraordinaires:
1) Il amortit les gouttes de pluie. Ces gouttes qui s’écrasent sur les feuilles se trouvent divisées en de nombreuses petites gouttes moins érosives.
2) Le pourrissement des feuilles mortes dans le sol devient comme du ciment pour les petits grains de poussière. Ces particules, qui étaient libres et plus facilement transportables par l’eau, deviennent associées et fortes. Le sol est maintenant moins érodible.
3) Enfin, les racines maintiennent le sol. C’est comme de la paille qu’on met dans les mortiers de terre. On met de la paille pour que cela tienne. C’est pareil!
Dans ces conditions, les eaux de pluie n’ont plus trop le choix que de s’infiltrer dans le sol. Et c’est ce qu’on cherche.
Protégeons nos bassins versants
Un bassin versant est toute surface qui collecte les eaux de pluie qui finiront leur course dans un même cours d’eau. Chaque cours d’eau a un bassin versant. La présence de la végétation est indispensable aux bassins versants pour les raisons évoquées plus haut. Tous types de végétaux. Ces derniers permettent à un bassin versant de jouer un rôle d’éponge qui absorbe l’eau, alimente les nappes et les réserves ou ressort rapidement pour alimenter les sources et les rivières. Dans ce cas, la rivière aura toujours de l’eau parce qu’elle est continuellement alimentée par le bassin versant.
Quand les arbres sont remplacés par du béton, on n’a que du ruissellement et l’eau coule dans les rivières et partout à grande vitesse. La rivière ne peut pas contenir toute cette quantité d’eau d’un coup. C’est l’inondation laissant des tas d’immondices dans les villes ! Et la rivière n’a de l’eau qu’à cette occasion. Puis, elle tarit jusqu’à la prochaine pluie.
Les bassins versants des grands cours d’eau du pays sont connus et cartographiés. Techniquement, l’on sait ce qu’ils doivent contenir et les aménager.
Il est temps que l’aménagement du territoire soit une réalité. À la maison, on ne met pas les marmites dans la salle de bain. De même, à l’échelle du territoire, tout doit avoir sa place. On ne peut pas habiter n’importe où. Par exemple, l’alerte a été donnée depuis des lustres pour morne l’Hôpital. Rien n’est fait. Les dirigeants d’aujourd’hui et de demain doivent avoir le courage d’aborder adroitement ces problèmes. Tout plan de développement du pays doit d’abord passer par cet aménagement pour la protection des infrastructures. Haïti est un joyau à bien des égards. Construisons enfin notre beau pays.
Newdeskarl Saint Fleur
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