Pourquoi les questions environnementales sont-elles négligées par nos politiques?
- newdeskarl
- 27 mai 2020
- 4 min de lecture
Publié le 2019-07-04 | Le Nouvelliste

Victime d’une succession de mauvaises politiques dans tous les secteurs de la vie nationale, Haïti se trouve au fond du gouffre et peine à tenir le bon bout pour lancer son développement. Marginalisés et sans emploi, certains compatriotes recourent à la coupe des arbres pour se faire une source de revenu. Cette déforestation accélère l’érosion, la perte de fertilité des terres, le déficit de la régulation du climat, entre autres. De plus, les citadins jettent sans état d’âme leurs détritus dans les rues et transforment les grandes villes du pays en de gigantesques décharges dans l’inaction totale des autorités. Des secteurs comme l’éducation, la santé ou l’agriculture sont extrêmement importants et prioritaires à développer. Cependant, en absence de protection de l’environnement, toute action dans ces secteurs sont voués à l’échec, en témoigne l’écroulement de l’Hôpital de Turgeau lors du séisme de 2010 ou la destruction de plusieurs routes suite à des inondations. Étant le cadre naturel recevant les actions de développement, pourquoi l’environnement n’est-il pas traité comme la priorité des priorités par nos politiques?
Visibilité à tout prix
Nos politiques sont toujours en campagne. Avant, pendant et après les périodes électorales. Au pouvoir, ils tentent des réalisations rapides et visibles mais non durables sur lesquelles ils se basent pour faire campagne en vue de leur réélection. Il suffit d’assister à une déclaration de politique générale d’un Premier ministre pour comprendre. Les parlementaires demandent tous des routes et des ponts. Jamais la protection de l’environnement immédiat d’une route. Des routes, on en a besoin, mais que deviendront ces routes et ces ponts sans la protection d’un bassin versant en amont?
Les résultats des mesures environnementales sont trop lents à voir le jour, nos politiques n’y voient pas leurs intérêts. Ils n’en parlent même pas. Un opposant peut en parler pour souligner les manques de réalisations dans ce secteur par une équipe au pouvoir. L’opposant, une fois lui-même au pouvoir, c’est le silence radio. Il va faire campagne. Il n’a plus le temps de poser les problèmes fondamentaux du pays.
Le président Michel Martelly a fait campagne dès le jour de son investiture et pendant tout son mandat en mettant des millions de dollars du fonds PetroCaribe dans des programmes cosmétiques du genre « Ti manman cheri ». Le président Jovenel Moïse en a fait pareil avec sa « Caravane du changement ». Bizarre! Il est pourtant déjà président. Pourquoi faire campagne quand on est déjà élu? Est-ce une peur ou un manque de confiance en soi? C’est comme quelqu’un qui, un soir, a fermé sa porte pour aller se coucher, et toutes les 5 minutes il se lève pour aller vérifier que la porte est bien fermée. Toute la nuit est passée dans ce va-et-vient. Ces politiques sont exactement comme ça: ils passent tout leur mandat à vérifier qu’ils sont bien présidents. Ils n’ont pas eu le temps d’aborder les problèmes de fond, voire honorer leur promesse de campagne. Tout ce qu’ils font va uniquement dans le sens de la conservation du pouvoir.
Populisme maladif
La loi du 27 août 1963 avait déclaré le Morne l’Hôpital « zone protégée ». À ce titre, cette loi avait interdit toute construction ou nouvelle construction. Du moins sur le papier. Puis, les arrêtés du 17 novembre 1978 et du 9 novembre 1979 l’ont déclaré « d’utilité publique ». Jusque-là, on comprend que l’État avait peut-être l’intention de stopper les constructions au Morne l’Hôpital. Mais avec le décret de 1987 le déclarant « zone d’aménagement spécial » et y autorisant certaines constructions, on ne comprend plus rien. Comment, en moins de 10 ans, les données ont pu changer pour passer de « zone protégée sans constructions » à « zone d’aménagement spécial avec constructions »? Les dirigeants de l’époque voulaient se donner un cadre légal pour s’emparer des meilleures parties de cet espace (1). Et ils y ont construit des villas. Voilà, l’État haïtien avait « légalisé » les constructions au Morne l’Hôpital.
Quels dirigeants auront le courage de remédier à cette situation? Quels dirigeants auront le courage de déplacer pauvres et riches du Morne l’Hôpital? Dans l’état actuel des choses, la restauration, la protection et la conservation de l’environnement requièrent des mesures impopulaires. Plus on attend, plus ce sera compliqué quand on voudra passer à l’action. Pour nos dirigeants qui ne rêvent que de la conservation du pouvoir, la politique de l’autruche est un moyen efficace pour y arriver.
Ne pas toucher aux intouchables
Les rues de Port-au-Prince sont faites de piles d’immondices. Pas besoin d’un microscope pour voir qu’elles sont essentiellement composées de matières plastiques. À chaque averse, des tonnes d'objets en plastique sont déversées dans la baie de Port-au-Prince. D’où viennent ces objets en plastique ? Ils sont pour l’essentiel des foams ou des emballages de boissons vendues à Port-au-Prince. Qui les vend? Qui les fabrique? Est-ce si compliqué de demander aux industriels de collaborer dans la gestion de ces déchets?
Au nom du principe pollueur-payeur, l’État pourrait s’entendre avec les fabricants de ces boissons en vue d’intégrer dans leurs chaînes de valeur la collecte et le recyclage de ces objets en plastique. Pourquoi nos dirigeants ne le font pas? Pourquoi les parlementaires ne s’y penchent pas?
Je reconnais que nos politiques pourraient croire que de telles décisions ne sont pas sans risque pour leur avenir, car ce sont ceux qu’on appelle « bourgeois » qui financent leurs campagnes électorales. Pour eux, il ne faut pas toucher aux intérêts de ces groupes. Quels intérêts? Dans un environnement en constante dégradation, ces intérêts sont appelés à être engloutis. Le séisme du 12 janvier 2010 nous a rappelé qu’on était tous dans le même bateau.
Il faut juste des patriotes compétents au pouvoir ayant la capacité d’expliquer aux différents groupes d’intérêts une vision à long terme et le bien-fondé de certaines mesures environnementales.
Newdeskarl Saint Fleur
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