L’éternel débat sur la transition écologique
- newdeskarl
- 27 mai 2020
- 5 min de lecture
Publié le 2019-08-02 | Le Nouvelliste
Ça chauffe, cet été ! Après les records de chaleur aux Etats-Unis le 21 juillet dernier, 4 jours plus tard, soit le 25 juillet 2019, c’était le tour de l’Europe, notamment la France. Cette journée caniculaire était à égalité avec celle du 5 août 2003, la journée la plus chaude en France avec des températures supérieures à 40°C dans plusieurs départements. A Paris, un record absolu de 42 6°C a été enregistré par Météo France ainsi qu’un 43 4°C à Saint-Maur. Un particulier, le professeur Yann Klinger, a rapporté dans un tweet avoir enregistré jusqu’à 47°C chez lui à Paris.
Naturellement, c’était l’occasion d’organiser différents débats sur le réchauffement climatique dans ce pays qui, depuis la COP 21 en 2015, semble vouloir influencer les décisions mondiales pour une transition écologique.
La transition écologique est une évolution vers un nouveau modèle économique et social, un modèle de développement durable qui renouvelle nos façons de consommer, de produire, de travailler, de vivre ensemble pour répondre aux grands enjeux environnementaux, ceux du changement climatique, de la rareté des ressources, de la perte accélérée de la biodiversité et de la multiplication des risques sanitaires environnementaux (1).
Dans cette journée de débats, je suis agréablement tombé sur un débat intéressant dans le cadre de l’émission « 28 minutes » de la chaîne franco-allemande ARTE. Dans le panel des invités, il y avait : 1) Françoise Vimeux, climatologue à l’Institut de recherche pour le développement (IRD) ; 2) Guillaume Sainteny, consultant, spécialiste des politiques environnementales, professeur de développement durable, ancien directeur des affaires économiques au ministère français de l’écologie de 2005 à 2009 ; et 3) Hervé Kempf, rédacteur en chef du quotidien écologique en ligne Reporterre.net.
Un peu contre l’usage, le débat a démarré par une question d’un téléspectateur: « Il y a quelques années, Météo France nous annonçait des températures à 45°C en France vers 2050, aujourd’hui nous y sommes. A-t-on sous-estimé le réchauffement climatique? »
Pour Françoise Vimeux, les climatologues n’étaient pas dans le délire. Les observations climatologiques montrent que depuis le milieu du xxe siècle, on a de plus en plus de vagues de chaleur. Si on fait le calcul depuis 1947, ces vagues de chaleur sont, dit-elle, une petite quarantaine. Ce sont pourtant 22 vagues de chaleur à partir de l’année 2000 dont 16 après 2010. Et depuis 2010, la seule année où il n’y a pas eu de vagues de chaleur, c’était 2014». En résumé, plus le temps passe, plus le réchauffement s’accentue, et plus les épisodes caniculaires sont fréquents. Les vagues de chaleur qui étaient des événements climatiques exceptionnels s’imposent maintenant en règles. « Les projections climatiques annoncent une accélération des vagues de chaleur. Donc il faut apprendre à vivre avec », conclut partiellement Mme Vimeux qui croit que le changement climatique est irréversible.
Est-ce irréversible? « Tout dépend de l’échelle de temps à laquelle on regarde », nuance plutôt Guillaume Sainteny. Une quelconque réversibilité ne va se faire sentir à court terme. En tout cas, la température moyenne de l’atmosphère a gagné 1°C depuis la période préindustrielle. Ça, c’est acquis. On ne peut pas revenir en arrière à l’échelle humaine. Pour l’ancien haut fonctionnaire de l’État français, la bataille à mener, c’est de limiter cette augmentation à 1 5 ou 2°C. Hervé Kempf abonde dans le même sens, rappelant que les indicateurs montrent qu’on peut y arriver. On peut limiter le réchauffement à 1 5°C si on réduit de 45 % les émissions de gaz à effet de serre (objectif de la COP21). Mais, faut-il bien atteindre cet objectif. La quantité de gaz à effet de serre émis tous les jours dans l’atmosphère n’augure pas un demain meilleur.
La Terre vit sa période la plus chaude depuis 2000 ans. « Les villes ont été pensées sans la nature ou même contre la nature. C’est un univers de béton », regrette Hervé Kempf. Il faillait adapter les villes à l’automobile. Aujourd’hui, on veut inverser, on veut chasser l’automobile de la ville.
A ce stade du débat, les spécialistes se lancent dans la discussion sur les solutions envisageables.
Beaucoup de solutions d’atténuation existent. La ville de Los Angeles a donné un exemple frappant lors de son épisode caniculaire de juillet dernier. Ils ont peint les chaussées en blanc. La lumière réfléchit au lieu d’être absorbée par l’asphalte. Au-dessus de l’asphalte sans peinture, ils ont enregistré 42-43°C. Au-dessus de l’asphalte avec peinture, 36°C. Une différence de 6-7°C au même endroit. Enorme!
Etalement urbain pour mieux respirer? Cette politique semble longtemps être privilégiée dans certaines grandes métropoles du monde. Mais cela pose un problème majeur. L’étalement urbain entraîne plus de béton et d’asphalte et plus de distance entre le domicile et le lieu du travail ; donc, plus il y a nécessité de prendre sa voiture pour aller travailler. Guillaume Sainteny pense qu’aujourd’hui, face au réchauffement climatique, les politiques d’urbanisme manquent d’ambition. Elles privilégient trop souvent des mesures d’atténuation plutôt que des mesures d’adaptation à ce nouvel enjeu.
Plus il fait chaud, plus on a tendance à utiliser les climatiseurs. Paradoxalement, on accentue le réchauffement, car ces derniers émettent beaucoup de gaz à effet de serre. Certains préconisent plutôt le « refroidissement urbain ». Il s’agit d’un système d’irrigation pouvant refroidir plusieurs bâtiments à partir d’une source centrale. Ce système émet deux fois moins de gaz à effet de serre que les climatiseurs.
Les solutions précitées posent souvent des problèmes, voire même intensifient le réchauffement dans certains cas. Les solutions durables restent et demeurent la végétalisation. Il faut végétaliser au maximum: des forêts urbaines, des parcs, agriculture urbaine, occuper les toits plats par des cultures...
L’avantage de végétaliser les villes est que l’eau monte par les racines et, arrivée dans les feuilles, elle va s’évaporer. Cela fait baisser la température ambiante. Donc, en plus de l’ombre et l’absorption de CO2, l’arbre est une sorte de climatiseur naturel.
Le problème du réchauffement climatique est bien réel. Des solutions existent, mais elles sont chères. Comme le coût de l’inaction est plus élevée que le coût de l’action, nous devons tous consentir des sacrifices pour faire baisser la température à la surface du globe.
Cependant, la climatologue Françoise Vimeux déplore une inégalité dans l’adaptation au changement climatique. Les pays riches ont la capacité financière et technologique pour proposer des techniques permettant d’absorber le CO2 émis dans l’atmosphère. Les pays en développement comme Haïti n’ont pas de capacité financière pour accéder à cette adaptation. Il y a même une inégalité au niveau des connaissances sur les changements climatiques. On ne peut ni lutter contre ni s’adapter à quelque chose qu’on ne connaît pas bien.
En assistant aux débats qui se font dans l’international sur la transition écologique, je ne peux m’empêcher de me demander où se place Haïti dans tout cela. Pour se développer, les pays développés ont causé beaucoup de tort à la nature. Aujourd’hui, face au réchauffement climatique, ils ne voient qu’un retour à la nature. Haïti, elle, n’a jamais été développée. Elle a raté les révolutions agricole, industrielle et de l’information. L’on pourrait croire que ce pays est écologiquement protégé, qu’il n’y aurait pas lieu de parler de transition écologique. Pourtant, c’est l’un des pays faisant face aux plus graves problèmes environnementaux au monde. Pays en développement et non écologique, le cas d’Haïti entre difficilement dans le concept de la transition écologique.
Par contre, le jour où l’on décidera de développer ce pays, il faudra le faire dans le respect de l’environnement, suivant un modèle de développement durable et sur la base de cet effort mondial visant la réduction des gaz à effet de serre.
Newdeskarl Saint Fleur
1.- http://www.manche.gouv.fr/Politiques-publiques/Amenagement-territoire-energie/Developpement-Durable/La-transition-ecologique
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