Enseignement supérieur: décret éclairé, budget obscurantiste
- newdeskarl
- 21 juil. 2020
- 3 min de lecture
Publié le 2020-07-20 | Le Nouvelliste

Depuis quelques semaines, le président de la République s’est mué en une machine à décrets. Les uns plus scandaleux que les autres. Quand ils ne le sont pas, leur application semble problématique. Le 30 juin 2020, dans le journal officiel de la République, Le Moniteur, il a été publié le décret portant organisation, fonctionnement et modernisation de l’enseignement supérieur. Ce texte va effectivement dans le sens de la qualité de l’enseignement supérieur en Haïti. Sauf qu’en même temps, l’Université d’État d’Haïti (UEH) a vu son budget réduit de plus de 100 millions de gourdes.
Le décret
Dans les dispositions générales, ce décret d’une trentaine de pages définit l’enseignement supérieur comme étant un « ensemble de formations dispensées après la fin des études secondaires », sans donner plus de précisions. Quelqu’un peut bien être admis à une formation après ses études secondaires sans que cette formation soit de l’enseignement supérieur. En passant, le décret n’ouvre la porte du doctorat qu’aux titulaires d’un master de recherche!
Il est clair que le texte souffre d’un manque de débat préalable.
À côté des articles expéditifs qui mériteraient d'être révisés, l’esprit du décret est globalement assez bon. Son application stricte devrait contribuer à l’amélioration de la qualité de l’enseignent supérieur dans le pays. Il fait certaines exigences aux établissements d’enseignement supérieur pour exister en tant que tels et des évaluations seront réalisées périodiquement par un organisme de régulation. De même, les accréditations des établissements ne pourront être renouvelées qu’après évaluation de l’organisme de régulation. Toute une série de sanctions est prévue contre les contrevenants. En son article 19, le décret stipule que les professeurs et tous les acteurs académiques de la communauté ont pour obligation (retenez le mot « obligation ») de veiller entre autres à « l’amélioration de la qualité de la formation et de la recherche par la mise à jour continue des techniques et des méthodes utilisées dans l’enseignement en accord avec le progrès de la science et de la technologie ».
L’article 66 prévoit que les universités publiques jouent le rôle de pilote en matière de formation, de recherche et de coopération interuniversitaire.
Pour enseigner, certains enseignants devront retirer un permis d’enseigner auprès de l’organisme de régulation.
Enfin, le décret reconnaît que toutes les universités haïtiennes doivent fonctionner autour d’un noyau d’enseignants à temps plein. L’organisme de régulation veille à ce que celles-ci se dotent de plus en plus d’enseignants à temps plein.
Budget incohérent
Ce décret sur l’enseignement supérieur a un sens... et le mérite d’exister. Cependant les signataires eux-mêmes ne croient pas en son application en réduisant le budget de l’UEH, la plus grande institution publique d’enseignement supérieur dans le pays. En effet, le budget de l’UEH est passé de 7,32% du budget national pour l’exercice fiscal 2017-2018 à 1,15% pour 2018-2019, puis à 0,64% pour 2019-2020, soit moins de 101 millions de gourdes par rapport à l’exercice précédent. Quand on voit cette diminution graduelle du budget de l’UEH, on peut se demander jusqu’où ira l’administration Moïse. Jusqu’à la disparition de cette institution ?
Ce comportement obscurantiste du gouvernement est incompréhensible. Comment exiger de la qualité dans l’enseignement supérieur tout en réduisant tous les ans le budget du plus grand centre universitaire du pays?
L’UEH n’arrive même plus à payer les chargés de cours. Difficile dans ce contexte de développer la recherche, pourtant indispensable à la qualité de l’enseignement et au développement du pays.
Exprimer nos « souhaits » dans un décret ne suffit pas. Nos priorités et notre envie de changement doivent être exprimées dans le budget national.
Newdeskarl Saint Fleur
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