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COP25: Un quart de siècle de négociations climatiques pour peu d’actions?

Haïti Climat - le 2019-11-21


Cette année la Conférence des Parties (COP) sur le climat, qui était initialement prévue à Santiago au Chili, se tiendra finalement à Madrid du 2 au 13 décembre prochain. Depuis un quart de siècle, ces COP réunissent des chefs d’État et de gouvernement, des scientifiques, des praticiens et des militants écologistes sur les enjeux du réchauffement climatique. Retour sur ces conférences annuelles controversées, leur motivation, les engagements des Parties et les enjeux pour Haïti.


Tout est parti du Sommet de la Terre à Rio de Janeiro en 1992


Avant Rio, l’ONU convoquait seulement tous les 10 ans les conférences sur l’environnement et le développement.

Boosté par le premier rapport du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) en 1990 qui a mis en évidence la gravité des changements climatiques, le Sommet de Rio s’est déroulé dans une ambiance particulière. En signant la « Déclaration de Rio de Janeiro », les pays présents se sont engagés à poursuivre les premiers objectifs connus de développement durable et la protection des forêts (1). A ce sommet des nations-unies, trois conventions d’envergure ont été présentées (2). Il s’agit: 1) de la convention-cadre des nations-unies sur la diversité biologique - 168 signataires, 196 Parties - ; 2) de la convention-cadre des nations-unies sur les changements climatiques - 165 signataires, 197 Parties - ; et 3) de la convention-cadre des nations-unies sur la lutte contre la désertification, signée à Paris, 2 ans après le sommet de Rio - 114 signataires, 197 Parties. Les signataires sont les pays ayant signé ou adopté les conventions, les Parties sont ceux qui les ont ratifiées, acceptées et y ont adhéré. Cette précision est importante à faire; cela permet de comprendre entre autres pourquoi le nombre pays présents (178) est inférieur au nombre de Parties. En effet, après le sommet du 3 au 14 juin 1992, les conventions étaient encore ouvertes à la signature au siège des nations-unies à New-York. Et la ratification ou encore l’adhésion était possible plusieurs années plus tard. De plus, il y a des pays qui n’ont pas signé les conventions et qui pourtant les ont ratifiées. La ratification est synonyme d’entrée en vigueur des conventions. À noter qu’Haïti fait partie des premiers pays a avoir signé et ratifié ces trois conventions.

Chacune des conventions avait fait obligation aux Parties de se réunir régulièrement sur les décisions à prendre pour la protection de l’environnement, les suivis de ces décisions, entre autres. Ainsi sont nées les Conférences des Parties (COP). Les COP sur la biodiversité et sur la lutte contre la désertification ont lieu globalement tous les deux ans et celle sur les changements climatiques tous ans. Cette dernière est considérée comme la grande vedette des COP qui réunit les représentants des pays pour, en partie, faire le bilan des engagements pris et le suivi des objectifs fixés pour la réduction des émissions des gaz à effet de serre.

Les Conférences des Parties sur les changements climatiques depuis 1995



La première COP sur les changements climatiques a eu lieu à Berlin en 1995. Chaque pays a pris, en ce qui le concerne, des engagements politiques et annoncé des mesures chiffrées pour réduire les émissions des gaz à effet de serre.

En 1996, c’est la ville de Genève qui a accueilli la deuxième COP suite au deuxième rapport du GIEC qui a mis l’accent sur la forte participation humaine dans les émission des gaz à effet de serre. Jusque là la Déclaration de Rio, les différentes conventions et les engagements des Parties prenantes n’étaient pas juridiquement contraignants.

Kyoto, un tournant majeur?

La troisième COP s’est déroulé à Kyoto en 1997. Cette COP a été un tournant majeur dans l’histoire des COP puisqu’elle a donné naissance au fameux « Protocole de Kyoto » (3). Contraignant, ce protocole stipule en son article 26 qu’aucune réserve ne peut lui être faite. Les Parties ont le devoir de s’acquitter de leurs engagements chiffrés en matière de limitation et de réduction de leurs émissions anthropiques des gaz à effet de serre tels que le dioxyde de carbone (CO2), le méthane (CH4), l’oxyde nitreux (N2O), les hydrofluorocarbones (HFC), les hydrocarbures perfluorés (PFC) et l’hexafluorure de soufre (SF6).

En clair, conformément aux dispositions de l’article 3, les Parties devaient réduire le total de leurs émissions de ces gaz d’au moins 5% par rapport au niveau de 1990 au cours de la période d’engagement allant de 2008 à 2012. Chacune des Parties devait avoir accompli en 2005, dans l’exécution de ses engagements au titre du Protocole, des progrès dont elle pourrait apporter la preuve.

Bien qu’adopté assez rapidement, le Protocole de Kyoto avait du mal à être ratifié. D’intenses négociations sur la mise en œuvre du protocole ont continué pendant plusieurs années après son adoption. Les pays étaient réticents même lors des COP suivant l’adoption du protocole. Les pays développés se questionnaient sur leurs avancées économiques et les pays en développement se plaignaient des voies et moyens pour l’application du protocole.

En 2001, 2 COP ont été organisées dans la même année. Il s’agit des COP6 bis et 7 respectivement à Bonn et à Marrakech. Ces deux COP ont permis de clarifier les mécanismes opérationnels de mis en œuvre du Protocole de Kyoto et un accord a été signé à cette fin. Tout un modèle de gouvernance climatique sera prévu. De la vérification et le comptage des émissions dans les pays développés à la création de plusieurs fonds pour le financement de l’adaptation au changement climatique des pays en développement.

Ces mécanismes de mis en œuvre ont sans doute ouvert la voie à la ratification grâce à une flexibilité constatée. L’engagement de l’Islande à réduire ses émissions a fait passer à 55 le nombre de pays requis pour la ratification du Protocole de Kyoto. Ce dernier a finalement été ratifié en 2005 lors de la COP11 à Montréal. L’on notera à l’encre terne que les deux plus grands émetteurs de gaz à effet de serre du monde, la Chine et les Etats-Unis, ne l’ont pas ratifié. Et le Canada s’en est retiré en 2011.

La déception de Copenhague

Le contraignant Protocole de Kyoto devait arriver à terme en 2010. Donc, après sa ratification en 2005, les COP qui ont suivi se sont basées essentiellement sur l’après Kyoto. Les Parties discutaient sur une éventuelle prolongation du protocole ou sur un autre accord contraignant. A la fin de l’année 2009 à l’occasion de la COP15 à Copenhague, les attentes ont été énormes. Cette COP a été très médiatisée car le monde entier s’attendait à un nouvel accord à la veille de 2010. Cependant, la Chine et les Etats-Unis ont embrouillé les cartes en refusant que leurs objectifs de réduction soient contraignants. A l’époque j’étais en master Environnement à Toulouse. Il fallait voir la tête de M. Frank Roux, mon professeur de « variabilité climatique » pour se faire une idée de l’ampleur de cette déception.

Pour beaucoup d’observateurs, l’échec de Copenhague était dû à une étonnante légèreté de l’ONU sur le fond, la forme et le processus de ratification du nouvel accord proposé. Les Etats s’accordaient certes sur la nécessité de limiter l’augmentation de la température à 2°C d’ici à la fin du siècle, trop d’éléments clés manquaient. Les voies et moyens pour atteindre cet objectif étaient absents. Pas d’objectifs chiffrés. Dans la forme, l’accord proposé n’était pas juridiquement contraignant. Copenhague a accouché le Fonds Vert pour le climat pour aider les pays en développement à faire face aux changements climatiques. Encore une fois, les mécanismes d’alimentation de ce fond étaient absents dans l’accord.

Après l’échec de Copenhague, l’on a attendu trois COP, soit lors de la COP18 à Doha pour que le Protocole de Kyoto soit prolongé jusqu’en 2020.

L’Accord de Paris

La COP21 à Paris a permis d’aboutir à un accord pour remplacer la prolongation du Protocole de Kyoto à partir de 2020. Pour plus d’un, l’Accord de Paris a scellé un moment historique. « L'Accord de Paris, vise à renforcer la riposte mondiale à la menace des changements climatiques, notamment en contenant l’élévation de la température moyenne de la planète nettement en dessous de 2°C par rapport aux niveaux préindustriels et en poursuivant l’action menée pour limiter l’élévation de la température à 1,5°C par rapport aux niveaux préindustriels », ainsi est formulé l’objectif à long terme de l’accord en matière de température (4). Pour atteindre cet objectif, les Etats se sont engagés à publier leurs propres objectifs de réduction des émissions des gaz à effet de serre (5). L’enjeu est d’engager les gouvernements, les entreprises, les collectivités et les citoyens.

Ainsi, Haïti s’est engagé à réduire de 31% ses émissions de gaz à effet de serre sur la période 2016-2030. Un financement de 25.387 milliards USD était nécessaire pour atteindre cet objectif.

L’Accord de Paris a été quand même critiqué pour ses objectifs trop ambitieux pour les uns et irréalistes pour les autres. En dépit de tout, cet accord a été considéré comme une avancée majeure depuis le Sommet de la Terre de Rio en 1992. Dès la COP 22 à Marrakech, les discussions portaient sur la concrétisation des décisions entérinées à Paris comme la mise en place d'un prix du carbone ou d'un fonds vert pour le climat.

Les COP23 et 24 respectivement à Bonn et à Katowice ont été marquées par beaucoup de discussions et peu d'actions. Pas vraiment de nouveaux engagements.

D’une manière générale, les COP constituent des espaces de discussions avec de la bonne volonté en vue de lutter contre les changements climatiques. Cependant, les engagements sont loin d’être respectés et les mécanismes de mise en œuvre peu clairs. En cas de non-respect des termes des traités contraignants, aucune structure n’est dédiée à infliger des sanctions.

Les changements climatiques sont maintenant irréversibles. En espérant une prise de conscience collective réelle, on ne peut que limiter nos émissions. Cependant, il y a une inégalité dans l’adaptation aux changements climatiques. Les pays riches ont la capacité financière et technologique pour proposer des techniques permettant d’absorber le CO2 émis dans l’atmosphère. Les pays en développement comme Haïti n’ont pas cette capacité et sont les plus vulnérables aux changements climatiques.

La COP25 saura-t-elle pencher sur ces enjeux et proposer du concret?


Newdeskarl Saint Fleur



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