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COP25: Les priorités d'Haïti et la charrue avant les bœufs

Haïti Climat - 2019-12-18

Haïti participe à la 25ème Conférence des Parties sur les changements climatiques. L’occasion pour les représentants de la république, au nombre de 15, de faire valoir leur point de vue et défendre les intérêts de la nation. Nous revenons sur les 5 priorités que défend la délégation haïtienne à la COP25.


Dans un article publié le 2 décembre 2019 sur le site du ministère de l’environnement (1), ces 5 priorités ont été évoquées:

1.- Finaliser le recueil de règles pour la mise en œuvre de l'Accord de Paris, plus précisément les questions relatives aux démarches favorisant l’atténuation, l’adaptation et le développement durable;

2.- Demander aux pays développés de réhausser leurs ambitions de réduction de gaz à effet de serre (GES) et de respecter leurs engagements financiers dans le cadre du Green Climate Fund et de doubler leurs promesses pour le renflouement en cours dudit fonds;

3.- Renforcer le mécanisme de Varsovie sur les Pertes et préjudices en mettant l'accent sur sa fonction d'actions et de soutien aux pays en développement;

4.- Renforcer les capacités techniques et institutionnelles des pays en développement pour des actions d'envergure et plus efficaces dans la lutte contre les changements climatiques ;

5.- Alléger les procédures d’accès au Green Climate Fund et créer une fenêtre de financement spéciale pour les pertes et dommages liés aux changements climatiques.

Sur la base de l’Accord de Paris, la République d’Haïti, à travers le ministère de l’environnement, s’était fixée des objectifs de réduction de 31 % des émissions des GES sur la période 2016-2030. C’est quand même étonnant que le recueil des règles ne soit pas encore finalisé. Haïti est donc très en retard sur la période d’action.


La deuxième priorité que défend Haïti à la COP25 c’est de « demander aux pays développés de réhausser leurs ambitions de réduction de GES [...]». Si le terme « ambition » est pris ici dans le sens d’envie ou de détermination, l’on pourrait dire que ces pays ne sont pas en manque d’ambitions déclarées. Il suffit de se référer aux précédentes COP. Ces pays développés se sont toujours mis d’accord sur l’urgence climatique et se sont engagés à faire d’énormes sacrifices pour la réduction de leurs émissions de GES. Cependant, tant que les accords ne sont pas contraignants, ces pays auront du mal à les respecter en bons enfants de cœur. En plus d’ambitions, les accords doivent vraiment être contraignants et les objectifs traduits en des actions concrètes sur le terrain.


La troisième priorité évoque le mécanisme de Varsovie émanant de la COP19 qui est une approche pour adresser les pertes et les dommages dans les pays en développement d’une manière globale, intégrée et cohérente. Autrement dit, le fait que les pays en développement participent faiblement aux changements climatiques et en subissent les préjudices, le mécanisme de Varsovie exigerait du soutien de la part des pays développés en matière de renforcement des capacités et de financement des actions d’adaptation.


La 4ème priorité paraît la plus judicieuse pour le moment. Bien sûr, des compétences et des moyens techniques supplémentaires sont nécessaires à la lutte contre le réchauffement climatique. On ne peut pas lutter contre quelque chose qu’on ne connaît pas bien. Le renforcement institutionnel doit être aussi vu dans les mécanismes de gestion des projets financés par le fond vert.


« Alléger les procédures d’accès au Green Climate Fund », cette première partie de la 5ème priorité a le mérite de résumer clairement l’esprit général dégagé dans l’ensemble des priorités. Les représentants haïtiens demandent de l’argent pour faire face aux enjeux du dérèglement climatique. Oui, nous avons besoin d’argent. Beaucoup d’argent. Cependant, tout financement arrivera plus facilement si nous montrons que nous avons été bons gestionnaires dans des programmes d’envergure. L’urgence est de montrer que nous avons des mécanismes de contrôle infaillibles. Et que les bailleurs peuvent désormais nous faire confiance. Sans des institutions fortes, tout financement risque de fondre au soleil ou de ne pas aboutir aux résultats escomptés.


La délégation haïtienne veut qu’« une fenêtre de financement spéciale soit créée pour les pertes et dommages liés aux changements climatiques ». C’est vrai, Haïti fait partie des pays qui participent faiblement aux changements climatiques et qui en subissent les conséquences désastreuses. Mais quand même, arrêtons de tout mettre sur le dos des changements climatiques! Leurs effets se sont aussi accentués par une absence de politique d’aménagement du territoire. Le problème de la déforestation en Haïti a été posée depuis des lustres. Quelles politiques efficaces ont été mises en place pour la freiner? Attendons-nous le fonds vert pour le climat?


Prenons la vulnérabilité environnementale de Port-au-Prince et d’autres grandes ville du pays. A chaque averse, des tonnes de sédiments et de détritus jonchent les rues. Est-ce uniquement la faute des changements climatiques? Doit-on attendre le fonds vert pour aménager nos bassins versants? Certaines mesures peuvent être prises sans argent et considérés comme des signaux à notre volonté de changement au moins sur le plan environnemental.


Le 10 juillet 2013 un arrêté présidentiel a été adopté en vue d’interdire la production, l’importation, la commercialisation et l’utilisation des sacs en polyéthylène, des intrants et objets en polystyrène expansé (ex : styrofoam). Cet arrêté est officiellement entré en vigueur depuis le 1er août 2013. Force est de constater que cette interdiction n’a jamais eu lieu. En octobre 2018, le ministre de l’environnement a définitivement montré une ferme volonté de faire respecter cet important arrêté. Il a donc annoncé une vaste opération de saisie des produits en styrofoam présents sur le territoire haïtien ou qui tentent de traverser la frontière. Cette décision a été applaudie par plus d’un. Une à deux semaines après, j’ai un collègue environnementaliste qui avait un rendez-vous au ministère. Il est arrivé à son rendez-vous vers 12-13h. Devinez ce qu’il a vu? Tout le monde mangeait dans du styrofoam! Grands chefs, petits chefs, simples employés, tout le monde sans distinction. La décision n’a pas été respectée même par ceux-là qui l’avaient prise.


Il y a maintes mesures en faveur de l’environnement qui ne demandent que de la bonne volonté et du courage.


En marge de la COP21 en 2015, Haïti avait annoncé dans sa Contribution Prévue Déterminée au niveau National (CPDN) (2), des priorités adaptées à sa réalité. Des priorités liées à la gestion intégrée des ressources en eau et des bassins versants; la gestion intégrée des zones côtières et la réhabilitation des infrastructures; la préservation et le renforcement de la sécurité alimentaire; l'information, l'éducation et la sensibilisation. A la COP25, en plus de l’entrée en vigueur de l’accord de Paris, les Parties discutent de la transition écologique et de changement de politique énergétique. Haïti dont le développement peine à se lancer paraît complètement en retard sur ces notions. Dans un élan pour le moins conformiste, les autorités changent brusquement leurs priorités et mettent la charrue avant les bœufs. Est-ce pour de meilleurs résultats ou pour avoir plus de finalement?

Newdeskarl Saint Fleur



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