CARIBACT,le 1er laboratoire mixte international en Haïti, aborde les risques naturels ds la Caraïbe
- newdeskarl
- 25 janv. 2022
- 4 min de lecture
Séisme, tsunami, cyclone, inondation, submersion marine, liquéfaction de sol, glissement de terrain, éboulement, sécheresse… En Haïti, les risques naturels sont nombreux. Pour ceux qui croient qu’il s’agit de la malchance ou d’un mauvais sort, les autres pays et territoires de la Caraïbe sont exposés aux mêmes risques. Parce que nous partageons avec eux un même domaine physiographique. Trouver des solutions durables à ces menaces requiert un cadre de recherche et d’innovation solide ; ce qui est un défi pour la plupart des pays caribéens où les capacités locales sur ces sujets sont rarement au rendez-vous. CARIBACT – Aléas naturels, variabilité climatique et impact dans le nord de la Caraïbe - est le nom du premier laboratoire mixte international implanté en Haïti pour aborder ces problèmes environnementaux dans la région.

La création en 2012 de l’Unité de recherche en géosciences (URGéo) de la Faculté des sciences de l’Université d’État d’Haïti a été au niveau local la principale réponse universitaire au séisme de 2010. Ce laboratoire des sciences de la Terre compte actuellement une dizaine de docteurs, 5 doctorants et 9 techniciens, dont des ingénieurs. Un programme de master en géosciences appliquées aux géorisques a été créé en 2016 comme un vivier pour pérenniser le développement de la recherche et la production du savoir dans le secteur. C’est ce laboratoire qui a été renforcé et élargi aux risques hydrométéorologiques et à la variabilité climatique pour former le laboratoire mixte CARIBACT.
Mais cela n’a pas été simple. « Nous étions un docteur et deux doctorants quand nous avons débuté », s’est souvenu le professeur Dominique Boisson, le principal instigateur de l’URGéo. Il nous a fait l’historique des actions clés de cette unité. «Pour commencer, nous sommes partis d’un projet de coopération avec l'Université catholique de Louvain et l'Université de Liège qui nous a permis de créer l'URGéo et de la structurer. Puis, nous avons participé à un appel à projets de l’Institut de recherche pour le développement (IRD, France) du nom de JEAI – Jeune équipe associée à l’IRD. Nous n’avons pas été sélectionnés. On a postulé à nouveau l’année d’après. Pareil. Nous n’avons été retenus qu’à la quatrième année», a-t-il confié. « En octobre 2015, l’URGéo a lancé le projet de master. En novembre 2016, nous étions capables de recruter une première promotion en pré-master. Ce master, c’est l’opportunité de former des jeunes pouvant être habiles à aborder les aléas géologiques, puis hydrométéorologiques », a poursuivi le géologue, qui ne voulait pas « répéter l’expérience avortée de la section de géologie de la Faculté des sciences dans les années 70-80 ». Celle-ci arrêta de fonctionner après juste quelques promotions. Le Dr Boisson veut au fond créer une complémentarité entre le master et le laboratoire. Certains étudiants deviendront naturellement des chercheurs pour le laboratoire, lequel sera à même de fournir des enseignants-chercheurs au master. Cela commence à être le cas.
Si l’URGéo avait attendu la quatrième année pour être retenue dans le cadre du JEAI, pour constituer le laboratoire mixte, elle a été sélectionnée dès la première année par l’IRD sur une quarantaine de propositions. CARIBACT est un projet de cinq ans renouvelable une fois. En plus de bourses d’études et la collaboration des laboratoires Nord-Sud, une allocation de quarante mille euros par an est versée par l’IRD. Aux bénéficiaires de garantir la pérennité de la structure.
Porté par les professeurs Dominique Boisson et Eric Calais, le projet CARIBACT implique sept pays de la Caraïbe et la France. Il met également à contribution des laboratoires et universités. L’URGéo de l’UEH, l’Equipe de recherche sur les changements climatiques (ERC2) de l’Université Quisqueya, l’Université des Antilles et de la Guyane, le laboratoire Géoazur de l’Université de Nice Sophia-Antipolis sont en première ligne.
Lancé en mars 2021, CARIBACT organise son activité scientifique selon les axes thématiques suivants : (1) améliorer la connaissance de l’aléa sismique et tsunami régional et mieux comprendre les relations entre tectonique active et variabilité climatique ; (2) améliorer la connaissance de la variabilité climatique régionale passée et récente pour informer l’évolution des prochaines décennies ou siècles ; (3) anticiper les phénomènes hydroclimatiques extrêmes en améliorant la connaissance du régime climatique et hydrologique régional pour affiner les modèles prédictifs ; (4) comprendre l’évolution du domaine littoral dans un contexte de variabilité climatique et sismotectonique et de forte anthropisation récente.
CARIBACT a l’ambition de fédérer plusieurs universités caribéennes autour du master géosciences-géorisques de l’UEH pour l’ouvrir à des étudiants de l’ensemble de la région, notamment de l’Université des Antilles. Il augmentera les activités de diffusion et partage d’informations déjà mises en œuvre par l’URGéo avec un colloque scientifique international, une école d’été en format webinaire, ainsi que des forums et activités de formation continue visant la société civile et le monde socioéconomique.
CARIBACT fera dialoguer sciences expérimentales et sciences humaines et sociales pour explorer la nature dynamique de l’exposition et de la vulnérabilité des populations sur leurs territoires, la manière dont les populations perçoivent les aléas environnementaux et s’en protègent ainsi que la perception et l’impact de l’information scientifique. Ceci sera notamment réalisé dans le cadre d’activités de science participative et de collecte des savoirs locaux.
Ce laboratoire mixte, s’il est pérennisé et bien géré, présente un très fort potentiel pour le pays.
La recherche en Haïti est globalement balbutiante. L’investissement de l’État et de la société civile dans ce secteur reste négligeable. L’URGéo a osé. Sa stratégie de collaboration et de fédération tant au niveau local qu’au niveau international a donné des résultats fort intéressants. Aussi faut-il rappeler que, contrairement à 2010, la réponse scientifique au séisme du 14 août dernier a été essentiellement donnée par des chercheurs haïtiens de l’URGéo.
Newdeskarl Saint Fleur
Source: Le Nouvelliste
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